1. Chapitre 2 : Blanchiment

Dernière mise à jour : 28/07/2023
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La définition du blanchiment d’argent

Le blanchiment d’argent se définit à l’article 324-1 du Code pénal :

« Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.

Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit.

Le blanchiment est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. »

Le blanchiment d’argent implique l’utilisation de transactions, souvent légitimes, pour dissimuler l’origine illégale de fonds et leur donner une apparence légitime et légale. Le but est de permettre l’utilisation de ces fonds et de générer des profits, tout en cachant leur origine criminelle.

Voici une liste non exhaustive des sources courantes de fonds illicites :

  • Trafic de drogue ;
  • Activités criminelles organisées (contrebande, contrefaçon, proxénétisme, trafic d’armes, corruption, immigration clandestine…) ;
  • Vol, fraude, extorsion, contrefaçon ;
  • Fausses factures, abus de biens sociaux, fraude fiscale, travail au noir, abus de position de faiblesse…

Le crime de blanchiment d’argent est une infraction autonome et distincte qui ne nécessite pas de signalement préalable aux autorités fiscales. Pour prouver cette infraction, il suffit de démontrer les éléments constitutifs de l’infraction sous-jacente à travers laquelle les montants litigieux ont été obtenus.

Si le blanchiment de capitaux est commis de manière répétée, en utilisant les opportunités offertes par les activités professionnelles, ou organisé, la peine est doublée. Non seulement les personnes morales, mais aussi les employés d’une institution, peuvent être tenus pénalement responsables s’ils participent à une opération de blanchiment d’argent.

La tentative de blanchiment est punissable des mêmes peines que l’infraction elle-même. Les professionnels de l’assurance et de la banque doivent donc être extrêmement prudents dans l’exercice de leurs activités pour éviter toute poursuite.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la lutte contre le blanchiment d’argent est devenue une lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBC-FT). Le Groupe d’action financière (GAFI), un organisme intergouvernemental, est chargé d’élaborer et de promouvoir des mesures internationales de lutte contre le blanchiment d’argent. Nous aborderons le rôle et les missions de cet organisme dans une prochaine partie.

Les différents types de blanchiment d’argent

La fraude 

Les fraudes sont de nature fiscale, sociale ou douanière. Une part importante des fraudes se révèle être des omissions de déclarations et nécessite des sanctions administratives.

  • La fraude fiscale : il s’agit de la manière dont une société commerciale ou un particulier tente de se soustraire par tous les moyens au règlement de ses impôts ;
  • La fraude sociale : il s’agit des fraudes faites à la Sécurité sociale, que ce soit sur ses cotisations sociales en faisant de fausses déclarations pour ne pas s’acquitter de ses versements, ou encore de la fraude aux prestations sociales où des individus sont assurés par le biais de déclarations fausses ;
  • La fraude douanière : il s’agit de la manière dont certains vont tenter de réduire leur assiette d’imposition sur les marchandises ou le taux de droits de douane, TCA, etc. par le biais de fausses déclarations ou omissions.

Le trafic de stupéfiants

Il s’agit d’un des plus gros générateurs de blanchiment d’argent. Le trafic de stupéfiants consiste en la vente, l’achat, la distribution, le transport, la fabrication ou la possession de drogues illégales, telles que la marijuana, la cocaïne, l’héroïne, la méthamphétamine, le LSD et d’autres substances similaires.  La France est autant un lieu de consommation que de transition entre les marchandises. Les fonds générés par la vente du produit peuvent soit revenir au producteur, soit être réinvestis sur le territoire de transit.

Les escroqueries et vols

L’escroquerie va concerner les faux ordres de virements, les faux investissements ou l’escroquerie dans les commerces. Toutes ces manœuvres sont facilitées par la création de fausses sociétés, de faux comptes bancaires, souvent depuis l’étranger, le tout par mail, par téléphone… Elles sont grandement répandues, tant par ordre de virement que par faux investissements.

Quant au vol, il est une menace bien réelle en France, et ce, en bande organisée. :

  • Vols aggravés sur des marchandises en transition ou dans des entrepôts, vols de métaux, de matières premières, vols à main armés…
  • Vols par effraction, souvent en groupe et sur plusieurs cibles à la fois, comme pour les cambriolages, etc.

La corruption

La corruption correspond à des pratiques malhonnêtes, notamment de la corruption, qu’elle soit active (proposition de pots-de-vin) ou passive (accepter le pot-de-vin), dans le secteur public ou privé. En somme, le détournement de fonds publics, en France ou à l’étranger. En gros, il s’agit de graisser la patte de certains intermédiaires pour obtenir un libre passage, comme par exemple pour des marchandises frauduleuses ou permettre de falsifier des documents, et contribuant ainsi à entretenir le blanchiment.

Schtroumpfage (ou smurfing)

Le schtroumpfage est probablement la méthode la plus courante de blanchiment d’argent.

Cette méthode nécessite l’implication de nombreuses personnes dont le rôle consiste à déposer des sommes en espèces dans des comptes bancaires ou à se procurer des traites bancaires de moins de dix mille unités de la devise du pays afin d’éviter le seuil de déclaration.

Achat de services prépayés

Il s’agit d’une méthode d’échange de chèques ou cartes cadeaux contre de l’argent sale.

Complicité bancaire

Il y a complicité bancaire lorsqu’un employé de la banque s’est impliqué criminellement afin de faciliter le processus du blanchiment d’argent.

Toutefois, les criminels ont de plus en plus de difficultés à utiliser cette méthode en raison des principes directeurs, des pratiques et des procédés de formation préconisés par l’Association des banquiers canadiens (ABC), ainsi qu’en France par l’application stricte de la législation (Code monétaire et financier, Code pénal) et de la réglementation bancaire qui en découle.

Casinos

Les blanchisseurs se rendent au casino où ils se procurent des jetons en échange d’argent comptant pour ensuite encaisser leurs jetons sous forme de chèque.

Entreprise de transfert de fonds et bureaux de change

Les entreprises de transfert de fonds et les bureaux de change mettent à la disposition de leurs clients des services qui leur permettent de se procurer des devises étrangères qui peuvent être emportées outre-frontière.

On peut ainsi, par l’entremise de ces bureaux, télégraphier des fonds à des comptes ouverts dans des banques étrangères. Il est de même possible de se procurer des mandats, des chèques bancaires, ainsi que des chèques de voyage à travers ces entreprises.

Achat de biens au comptant

Les blanchisseurs achètent et paient en espèces des biens de grande valeur tels que des automobiles, des bateaux, ou encore certains biens de luxe tels que des bijoux ou de l’équipement électronique.

Ils utiliseront ces articles, mais ils s’en distancieront en les enregistrant ou en les achetant au nom d’un associé.

Transfert électronique de fonds

Aussi connue sous le nom de virement électronique ou télévirement.

Cette méthode permet de transférer des fonds d’une ville ou d’un pays à l’autre afin d’éviter le transport physique de l’argent.

Mandat-poste

Cette technique consiste à échanger des sommes en espèces contre des mandats-poste, lesquels sont ensuite transmis à l’étranger pour fin de dépôt bancaire.

Cartes de crédit

Les malfaiteurs paient en trop le solde de leurs cartes de crédit et conservent un solde créditeur élevé pouvant être utilisé de nombreuses façons (l’achat de biens de valeur ou la conversion du solde créditeur en chèque bancaire).

Arnaque à la loterie

Les trafiquants sont amenés à acheter un ticket de type PMU, jeu à gratter ou bulletin de loto gagnant au prix de la somme remportée pour blanchir une somme moyenne d’argent sale.

Raffinage

Cette technique consiste à échanger de petites coupures contre des grosses dans le but d’en diminuer le volume. Pour ce faire, le blanchisseur échange des sommes d’argent d’une banque à l’autre afin d’éviter d’éveiller les soupçons.

Cela sert à diminuer les grandes sommes d’argent.

Amalgamation de fonds dans des entreprises honnêtes

Les organisations criminelles, ainsi que les individus qui y sont impliqués, peuvent blanchir des fonds en investissant dans des entreprises qui affichent normalement un volume élevé de transactions au comptant afin d’incorporer des produits de la criminalité aux activités commerciales légitimes brassées par l’entreprise.

Enfin, il arrive que des criminels achètent des commerces qui génèrent des recettes brutes par des ventes au comptant. C’est le cas des restaurants, bars, boîtes de nuit, hôtels, bureaux de change et compagnies de distributeurs automatiques.

Ils investissent ensuite ces fonds obtenus par des moyens frauduleux en les amalgamant à un revenu qui ne suffirait pas autrement à soutenir une entreprise honnête.

Altération des valeurs

Un blanchisseur peut acheter un bien immobilier d’une personne disposée à déclarer un prix de vente sensiblement inférieur à la valeur réelle du bien et se faire payer la différence en argent comptant « en cachette ».

Le blanchisseur peut acheter, par exemple, une maison d’une valeur de 2 millions € pour seulement 1 million € et transmettre en secret au vendeur le reste de l’argent qu’il lui doit.

Après une certaine période de rétention du bien immobilier, le blanchisseur la vend à prix réel, soit 2 millions €.

Auto-prêt

Pour les besoins de cette technique, le trafiquant remet à un complice une somme d’argent illicite. Ce complice lui « prête » une somme équivalente, document de prêt à l’appui, pour créer l’illusion que l’argent du criminel est légitime.

Le calendrier de remboursement de l’emprunt par le criminel ajoute à l’apparence de légitimité de cette combine, et procure encore un autre moyen de transférer des fonds.

Exemples de blanchiment dans le secteur de l’assurance :

  • En assurance vie : un commerçant souscrit à une assurance vie sur laquelle il effectue de nombreux versements libres par prélèvement sur un ou plusieurs de ses comptes contenant des sommes illicites. Puis des retraits sont effectués sur le contrat pour les investir ailleurs afin de donner une illusion de légalité ;
  • En assurance non-vie : un individu achète une moto d’occasion avec une somme d’argent en espèce d’origine illicite. Il fait garantir ce véhicule pour vol, avant de faire une fausse déclaration de vol sur le bien auprès de son assureur, réclamant ainsi le remboursement à la valeur vénale de la moto. Avec l’argent perçu, il fera un placement sur des produits financiers. (fin de l’exergue)

Qu’est-ce qu’une typologie de blanchiment ?

C’est l’étude de cas de blanchiment dont les mécanismes mis en œuvre présentent des caractéristiques communes et des pratiques similaires qui permettent de les classer par famille homogène. Cette étude de cas résulte de l’analyse effectuée à partir des déclarations de soupçon adressées par les professionnels et des transmissions judiciaires effectuées par TRACFIN.

Outre l’établissement d’une classification des mécanismes de blanchiment en groupes homogènes, les typologies visent à regrouper des pratiques identifiées pour traiter l’information d’un point de vue statistique, mais à fournir des indicateurs de vigilance aux professionnels en mettant l’accent sur l’évolution des comportements des blanchisseurs. Cet exercice ne prend en compte que les procédés de blanchiment signalés les plus significatifs.

Les différentes étapes du blanchiment d’argent

Étape 1 : Placement ou prélavage

Le terme « placement » désigne l’action d’introduire dans le système financier des fonds qui ont été obtenus de manière illégale lors de transactions criminelles. Le but est de transformer ces fonds en produits financiers afin de dissimuler leur origine illégale. Les investissements sont plus faciles à effectuer avec de l’argent liquide, ce qui explique pourquoi il est important d’être particulièrement vigilant dans les institutions bancaires.

Dans le secteur de l’assurance, cette étape peut être franchie en retirant les fonds des comptes suspects (par exemple, ceux basés dans certains pays étrangers). Cette phase est souvent appelée « prélavage » dans le jargon de la blanchisserie d’argent.

Cependant, l’essor des cryptomonnaies offre une nouvelle forme d’actifs qui peuvent être utilisés à des fins de blanchiment d’argent. Grâce à Internet, il est facile d’effectuer des transactions anonymes de n’importe où et sous un faux nom.

Étape 2 : Pliage ou empilage

L’empilage consiste à camoufler l’origine des fonds en effectuant de multiples transactions bancaires ou financières complexes qui impliquent différents comptes, institutions, personnes, produits et pays. Ces transactions passent souvent par plusieurs pays, y compris ceux figurant sur la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC), qui est mise à jour chaque année par le ministère des Finances.

Ces transactions n’ont souvent pas de raison économique légitime. L’objectif des blanchisseurs d’argent est de compliquer la traçabilité des fonds jusqu’à leur source. Cette phase est également appelée « lavage ».

Étape 3 : Intégration ou essorage

L’objectif de l’intégration est d’investir les fonds provenant d’activités criminelles dans des systèmes économiques légitimes pour en tirer profit. Le but est d’utiliser ces fonds de manière légale en les investissant dans l’immobilier, les entreprises, les produits financiers ou boursiers. Cette étape est connue sous le nom de « recyclage ».

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