3. Chapitre 6 : Les obligations de LCB-FT
Le secteur de l’immobilier fait partie des domaines touchés par le blanchiment des capitaux. Il convient donc d’être extrêmement vigilant à toute activité de fraude. Différents moyens de blanchiment existent :
- L’achat d’un bien pour une Personne Politiquement Exposée (PPE) : l’acquisition d’un bien immobilier réalisée par une personne occupant ou ayant occupé une fonction politique de haut niveau ou étant étroitement associée à une telle personne. Les PPE sont souvent des individus occupant des postes de responsabilité au sein du gouvernement, de l’administration publique, des organismes internationaux ou des partis politiques. En raison de leur statut et de leur influence politique, les PPE peuvent être exposées à un risque accru de corruption, de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Afin de prévenir ces risques et de garantir la transparence dans les transactions immobilières, les réglementations et les mécanismes de contrôle imposent des obligations spécifiques lors de l’achat d’un bien par une PPE.
- L’achat d’un bien avec de l’agent dissimulé : L’achat d’un bien avec de l’agent dissimulé se réfère à une pratique illégale dans laquelle un individu achète un bien immobilier en utilisant un agent dissimulé ou fictif pour masquer sa véritable identité. Cette pratique est souvent utilisée dans le but de dissimuler l’origine illégale des fonds utilisés pour l’achat du bien, tel que des fonds provenant de la corruption, du blanchiment d’argent, du trafic de drogue ou d’autres activités criminelles. L’utilisation d’un agent dissimulé implique généralement la création d’une fausse identité ou l’utilisation d’un prête-nom pour effectuer la transaction au nom de l’acheteur réel. Cela permet à l’acheteur de rester anonyme et d’éviter d’attirer l’attention des autorités ou des organismes de réglementation chargés de lutter contre les activités illégales.
- L’achat d’un bien pour le compte d’un tiers : L’achat d’un bien pour le compte d’un tiers désigne une situation dans laquelle une personne agit en tant qu’intermédiaire ou mandataire pour acheter un bien immobilier au nom et pour le compte d’une autre personne. Cette pratique est courante lorsque le tiers qui souhaite acquérir le bien ne peut pas être présent physiquement pour effectuer l’achat ou préfère garder son identité confidentielle. Il peut s’agir d’individus ou d’entités telles que des entreprises, des fiducies ou des fondations. Cela peut donner lieu à des pratiques de blanchiment de société-écran.
La définition du blanchiment d’argent
Le blanchiment d’argent se définit à l’article 324-1 du Code pénal :
« Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.
Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit.
Le blanchiment est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. »
Le blanchiment d’argent implique l’utilisation de transactions, souvent légitimes, pour dissimuler l’origine illégale de fonds et leur donner une apparence légitime et légale. Le but est de permettre l’utilisation de ces fonds et de générer des profits, tout en cachant leur origine criminelle.
Voici une liste non exhaustive des sources courantes de fonds illicites :
- Trafic de drogue ;
- Activités criminelles organisées (contrebande, contrefaçon, proxénétisme, trafic d’armes, corruption, immigration clandestine…) ;
- Vol, fraude, extorsion, contrefaçon ;
- Fausses factures, abus de biens sociaux, fraude fiscale, travail au noir, abus de position de faiblesse…
Le crime de blanchiment d’argent est une infraction autonome et distincte qui ne nécessite pas de signalement préalable aux autorités fiscales. Pour prouver cette infraction, il suffit de démontrer les éléments constitutifs de l’infraction sous-jacente à travers laquelle les montants litigieux ont été obtenus.
Si le blanchiment de capitaux est commis de manière répétée, en utilisant les opportunités offertes par les activités professionnelles, ou organisé, la peine est doublée. Non seulement les personnes morales, mais aussi les employés d’une institution, peuvent être tenus pénalement responsables s’ils participent à une opération de blanchiment d’argent.
La tentative de blanchiment est punissable des mêmes peines que l’infraction elle-même. Les professionnels de l’assurance et de la banque doivent donc être extrêmement prudents dans l’exercice de leurs activités pour éviter toute poursuite.
Une telle infraction est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
La définition du financement du terrorisme
L’acte de terrorisme se définit au I de l’article 421-2-6 du Code pénal :
« I. – Constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d’une des infractions mentionnées au II, dès lors que la préparation de ladite infraction est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur et qu’elle est caractérisée par :
1° Le fait de détenir, de se procurer, de tenter de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ;
2° Et l’un des autres faits matériels suivants :
a) Recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes ;
b) S’entraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à l’utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage d’aéronefs ou à la conduite de navires ;
c) Consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ;
d) Avoir séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes. »
Le financement du terrorisme est l’acte de fournir des fonds ou des ressources matérielles à des groupes terroristes ou à des individus qui sont impliqués dans des activités terroristes. Ces fonds peuvent provenir de sources légales ou illégales, et peuvent être transférés à travers des canaux financiers formels ou informels.
Les activités de financement du terrorisme comprennent le blanchiment d’argent, la collecte de fonds auprès de donateurs privés, l’utilisation de comptes bancaires frauduleux et la contrebande de marchandises, d’armes, etc.
Le financement du terrorisme est une menace majeure pour la sécurité nationale et internationale, car il permet aux groupes terroristes de mener à bien leurs activités destructrices. Il est donc important de prévenir et de détecter le financement du terrorisme en surveillant les flux de fonds et en appliquant des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme.
Le financement du terrorisme est puni de 10 ans d’emprisonnement et de 225 000 € d’amende.
GAFI : lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
Le Groupe d’action financière (GAFI) est une organisation intergouvernementale mondiale chargée de surveiller et de prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il établit des normes internationales pour empêcher ces activités criminelles et leurs conséquences néfastes sur la société. En tant qu’organisme de politique publique, le GAFI travaille à susciter la volonté politique nécessaire pour mettre en œuvre des réformes législatives et réglementaires nationales dans ces domaines. Le GAFI a été créé en 1989 et son siège social est situé à Paris par le G7.
Le GAFI compte 39 membres et établit des normes internationales pour garantir que les autorités nationales puissent s’attaquer efficacement aux fonds illicites liés au trafic de drogue, au commerce illicite des armes, à la cyberfraude et à d’autres crimes graves. Plus de 200 pays et juridictions ont accepté de mettre en œuvre les normes du GAFI pour une réponse mondiale coordonnée afin de prévenir le crime organisé, la corruption et le terrorisme.
La directive du parlement européen et du conseil
La directive 2015/849 de l’Union européenne relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme a été adoptée pour renforcer la lutte contre ces pratiques criminelles en améliorant les règles de transparence et de coopération entre les États membres.
Cette directive impose des obligations aux États membres pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Elle vise à protéger l’intégrité du système financier de l’Union européenne en établissant des normes minimales de prévention et de détection du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
Les États membres sont tenus d’adopter les mesures nécessaires pour identifier et évaluer les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme auxquels leurs institutions financières, leurs entreprises et leurs professions non financières et non juridiques sont exposées. Ils doivent également prendre des mesures pour renforcer la transparence financière et les normes de diligence raisonnable.
La directive établit des règles communes pour l’identification et la vérification de l’identité des clients, la surveillance des transactions financières suspectes, la coopération entre les autorités compétentes et la mise en place de mesures de prévention et de détection efficaces.
La directive s’applique à toutes les entreprises et institutions financières, y compris les banques, les compagnies d’assurance, les courtiers en valeurs mobilières, les changeurs de monnaie et les services de transfert d’argent. Elle impose également des obligations à certaines professions non financières et non juridiques, telles que les avocats, les comptables et les agents immobiliers.
La directive établit également des normes de diligence raisonnable renforcées pour les entités qui présentent un risque plus élevé de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Cela comprend les personnes politiquement exposées, les clients qui effectuent des transactions financières importantes ou inhabituelles, les clients qui résident dans des pays à haut risque, ainsi que les produits et services financiers présentant un risque plus élevé de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.
Les États membres sont tenus de mettre en place des sanctions et des mesures dissuasives efficaces pour garantir le respect de la directive. Les autorités compétentes doivent également coopérer et échanger des informations pour lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
En 2018, la directive a été modifiée pour renforcer encore les règles de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Les modifications apportées ont élargi la portée de la directive pour inclure des secteurs tels que les cryptomonnaies, les sociétés fiduciaires et les métaux précieux.
En résumé, la directive 2015/849 de l’Union européenne relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme établit des règles communes pour lutter contre ces pratiques criminelles. Elle impose des obligations aux États membres de l’Europe.
Consultez le document officiel de la directive 2018/843du Parlement européen et du conseil
Les personnes assujetties à la LCB-FT
La LCB-FT, qui vise à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, concerne directement :
- Le secteur financier, en particulier les banques et les compagnies d’assurance ;
- Le secteur non financier est également exposé à ces risques et est donc régulé en conséquence. Il s’agit notamment des intermédiaires immobiliers, des casinos et des paris en ligne, des professions juridiques et notariales, ainsi que du commerce de pierres précieuses, de matériaux rares ou d’œuvres d’art.
Toutes les professions concernées sont mentionnées dans l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier (CMF)
En ce qui concerne les professions du secteur immobilier, elles sont précisées également à l’article 8-2 de la loi Hoguet :
« Les personnes exerçant les activités désignées aux 1°, 2°, 4°, 5° et 8° de l’article 1er de la présente loi mettent en œuvre les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme définies au chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier.
L’autorité administrative mentionnée au I de l’article L. 561-36-2 du code monétaire et financier assure le contrôle du respect des obligations prévues à l’alinéa précédent, dans les conditions définies à l’article L. 511-7 du code de la consommation. »
Les moyens de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme
Pour mener à bien la lutte LCB-FT, 3 grands principes doivent être respectés :
- L’évaluation, la classification et la gestion des risques
- L’obligation de vigilance
- La déclaration de soupçon
L’évaluation, la classification et la gestion des risques
L’ACPR attend des compagnies d’assurance qu’elles mettent en place un système structuré et cohérent de gestion et d’évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme adapté à leurs activités.
Les compagnies d’assurance doivent élaborer une classification des risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme associés à leurs activités. Ce faisant, ils doivent tenir compte de la mesure dans laquelle ils sont exposés à ces risques, en fonction du type de produits ou de services offerts, des méthodes de commercialisation utilisées, des canaux de distribution utilisés et des caractéristiques de leurs clients.
Cette cote de risque doit être mise à jour périodiquement pour refléter les événements qui ont pu affecter l’un des critères d’évaluation.
Les professionnels assujettis procèdent alors à une évaluation et une classification des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et mettent en place les procédures adaptées.
Il s’agit d’établir des catégories ou profils de clients et d’opérations que le professionnel peut classer en fonction de la probabilité des risques LCB/FT qu’ils représentent. Cette classification permettra au professionnel de moduler les mesures de vigilance en fonction des caractéristiques des clients et des opérations.
L’évaluation des risques sert alors de base à leur présentation synthétique sous une forme hiérarchisée, dite cartographie des risques.
L’évaluation des risques et leur classification portent sur l’ensemble des opérations et des transactions réalisées ou auxquelles les professionnels prêtent leur concours. Si certains critères d’exposition aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme sont expressément prévus par les dispositions du code monétaire et financier, la classification des risques est également réalisée sur la base de critères et d’indicateurs que les professionnels ont eux-mêmes définis au regard de la nature des activités et des situations spécifiques auxquelles ils sont exposés.
Les éléments indiqués supra représentent des critères utiles pour établir une cartographie des risques, mais ne revêtent aucun caractère exhaustif.
L’évaluation des risques doit également se fonder sur une connaissance par le professionnel assujetti d’informations externes à son entreprise et qu’il est tenu de mettre à jour régulièrement (rapports d’activité et d’analyse de Tracfin, de la Commission nationale des sanctions (CNS), documentation du GAFI, échanges avec les autorités nationales et avec les fédérations représentatives de la profession, consultation de la doctrine, de la presse, d’internet, de bases de données, etc.).
Des procédures internes sont élaborées à cet effet sur la base des critères établis par le code monétaire et financier et des critères définis par le professionnel. Les procédures internes doivent par conséquent intégrer l’élaboration d’un document d’analyse du risque de chaque client concerné, document permettant de justifier, notamment lors des contrôles, que cette analyse a bien été réalisée avant l’entrée en relation d’affaires.
Il est recommandé de désigner un responsable de la mise en place et du suivi du système d’évaluation et de classification des risques ainsi que de l’ensemble des procédures correspondantes (à titre indicatif, mise à jour de la classification des risques, diffusion des informations relatives à la LCB/FT, veille réglementaire, contrôles de second niveau, etc.). L’organisation est adaptée à la taille de l’entreprise.
L’évaluation et la classification des risques sont actualisées régulièrement.
En somme, la procédure est :
- L’identification des risques
- La classification et l’évaluation des risques
Cela mène ensuite à l’application des mesures de vigilance.
L’obligation de vigilance
La vigilance simplifiée
Le nouvel article CMF L. 561-9 ne parle pas de vigilance allégée, mais de vigilance simplifiée, en la restreignant aux 2 cas suivants :
« 1° Le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme leur paraît faible ;
2° Les personnes ou les produits présentent un faible risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme et il n’existe pas de soupçon de blanchiment ou de financement du terrorisme. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
L’ordonnance introduit un nouvel article le CMF L. 561-9-1
« S’il n’existe pas de soupçon de blanchiment ou de financement du terrorisme, les personnes qui émettent de la monnaie électronique mentionnée aux 1°, 1° ter et 1° quater de l’article L. 561-2 ne sont pas soumises aux obligations de vigilance prévues aux articles L. 561-5 et L. 561-5-1, sous réserve du respect de conditions, notamment de seuils, définies par décret en Conseil d’État. »
Les mesures de vigilance complémentaires
L’article L. 561-10 du CMF est modifié pour rappeler que les mesures de vigilance complémentaires sont attendues si :
- Le client ou son représentant légal n’est pas physiquement présent aux fins de l’identification au moment de l’établissement de la relation d’affaires ;
- Le client, ou le cas échéant son bénéficiaire effectif, le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation, le cas échéant son bénéficiaire effectif, est une personne qui est exposée à des risques particuliers en raison des fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives qu’elle exerce ou a exercées pour le compte d’un État ou de celles qu’exercent ou ont exercées des membres directs de sa famille ou des personnes connues pour lui être étroitement associées ou le devient en cours de relation d’affaires ;
- Le produit ou l’opération présente, par sa nature, un risque particulier de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, notamment lorsqu’ils favorisent l’anonymat.
L’opération est une opération pour compte propre ou pour compte de tiers effectuée avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, domiciliés, enregistrés ou établis dans un État ou un territoire figurant sur les listes publiées par le Groupe d’action financière parmi ceux dont la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ou par la Commission européenne en application de l’article 9 de la directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme
Le 3e point renvoie les établissements à leur cartographie des risques…
Le 4e point prend en compte les listes de sanctions de l’Union européenne
Les obligations relatives à la vigilance, définies dans le nouvel article L. 561-10 sont en application depuis le 26 juin 2017.
La vigilance renforcée
Le professionnel a une obligation de renforcement de sa vigilance dans quatre situations. D’abord, lorsque le client ou son représentant n’est pas physiquement présent. Ensuite, lorsque le client réside à l’étranger et qu’il est « exposé à des risques particuliers en raison des fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives » qu’il exerce ou a exercé, ainsi que les membres de sa famille et ses proches. On parle alors de personnes politiquement exposées (PPE).
Il en va de même lorsque le produit ou l’opération favorise l’anonymat (par exemple : sur les bons et titres anonymes) et lorsqu’elle est réalisée par une personne ou société domiciliée dans un État dont la législation anti-blanchiment est défaillante.
Dans ces cas, le professionnel doit, en plus des mesures de vigilance standards, prendre au moins l’une des quatre précautions complémentaires suivantes :
- Obtenir des pièces d’identité supplémentaires pour confirmer l’identité de la personne avec laquelle il est en relation ;
- Faire vérifier et certifier par un tiers indépendant la copie du document d’identité remis ;
- Exiger que le premier versement soit effectué à partir ou à destination d’un compte ouvert au nom du client auprès d’un établissement assujetti aux mesures de lutte anti-blanchiment établies en Europe ou dans un État parti à l’accord sur l’espace économique européen ;
- Obtenir confirmation de l’identité du client par un établissement assujetti aux dispositions de la lutte anti-blanchiment.
Par ailleurs, le professionnel doit également se renseigner sur l’origine et la destination des fonds lorsque l’opération est particulièrement complexe ou d’un montant inhabituellement élevé ou qu’elle ne paraît pas avoir de justification économique ou d’objet licite. Enfin, la décision de nouer une relation d’affaires avec une PPE ne peut être prise, selon une procédure spécifique, que par un membre de l’organe exécutif ou une personne dûment habilitée. Toujours dans cette hypothèse, le professionnel doit rechercher l’origine du patrimoine et des fonds impliqués (article R. 561-20, III du CMF).
La déclaration de soupçon
La déclaration des soupçons et la notion de soupçon apparaissent dans le « Guide d’information sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme » par le ministère de la Justice. Il se définit ainsi :
« Le soupçon est le fruit d’une réflexion du déclarant. Il résulte d’un doute qui le conduit à s’interroger sur la licéité de l’opération qui lui est demandée. Compte tenu des informations dont il dispose sur son client (identité, notoriété, profession, etc.) et des éléments, notamment financiers, concourant à cette opération, le professionnel doit procéder à une déclaration lorsqu’il ne peut exclure tout doute sur le caractère régulier ou licite de l’action ou de l’acte envisagé. »
Le principe consiste pour les professions assujetties à ces obligations, à déclarer à TRACFIN les opérations ou les sommes qui pourraient provenir de certains délits.
Réservées à l’origine au seul blanchiment du produit du trafic de stupéfiants, les déclarations de soupçon concernent dorénavant le blanchiment du produit des délits suivants : trafic de stupéfiants, fraude aux intérêts de la communauté européenne, financement du terrorisme, corruption, et activité criminelle organisée.
Avec la prochaine transposition de la troisième directive européenne, les déclarations de soupçon devraient couvrir le blanchiment du produit des crimes et des délits punis d’une peine supérieure à un an (soit la quasi-totalité du Code pénal, dont les délits fiscaux).
Des déclarations de soupçon doivent aussi être effectuées lorsque les établissements financiers ne
sont pas en mesure de connaître avec certitude l’identité du véritable donneur d’ordre d’une opération (par exemple dans le cas d’un Trust ou d’une fiducie).
Dans la pratique, la plupart des établissements de crédit déclarent les opérations « anormales » ou « suspectes », n’étant pas toujours en mesure de distinguer avec précision le délit sous-jacent.
Les moyens de déclaration
Le RSA est toujours formalisé par écrit. Il existe deux modes de transmission :
- La télédéclaration, à laquelle on accède via une application sécurisée ;
- Un formulaire standard téléchargeable sur le site internet de Tracfin, qui est envoyé par courrier ou par fax aux opérateurs qui ne peuvent pas utiliser la télénotification.
La déclaration doit contenir des informations sur l’identité du déclarant, l’identité et la connaissance du client ou du bénéficiaire effectif final, ainsi que des informations sur l’analyse des soupçons sur lesquels la déclaration est fondée.
Cela couvre aussi bien les soupçons de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme que les soupçons de fraude fiscale.
Afin de faciliter les démarches, une plateforme de déclaration a été mise en place : ERMES.
Déclarer le soupçon avec ERMES
ERMES est un dispositif de déclaration dématérialisé par Internet. Il permet aux professionnels assujettis de saisir les formulaires de déclaration et de les envoyer à TRACFIN via une interface conviviale, performante et ergonomique.
ERMES permet également d’échanger des fichiers avec TRACFIN, notamment de répondre aux demandes de droits de communication.
Ce système bénéficie d’un haut niveau de sécurité assurant la confidentialité des données envoyées.
Qui peut utiliser ERMES ?
L’inscription au service est strictement réservée aux personnes habilitées à faire la déclaration mentionnée à l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier auprès de TRACFIN, dans le cadre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Les particuliers ou les professionnels non assujettis ne sont pas concernés par ERMES et ne doivent pas faire de déclaration au service TRACFIN. Toute inscription par une personne n’appartenant pas à une catégorie professionnelle mentionnée par ces dispositions légales sera rejetée par le service TRACFIN.
Afin de vérifier l’appartenance des personnes s’inscrivant aux services ERMES à l’une des catégories professionnelles susmentionnées, des documents (ex. : Kbis) sont demandés lors de l’inscription. Ces documents sont exclusivement utilisés par TRACFIN au soutien de cette vérification.
Le système d’échanges ERMES ne prend pas en compte les spécificités liées aux échanges avec les professionnels visés au 13° de l’article L. 561-2 du CMF.