4. Chapitre 5 : La déclaration de soupçon

Dernière mise à jour : 31/07/2023
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Qu’est-ce que la déclaration de soupçon ?

La déclaration des soupçons et la notion de soupçon apparaissent dans le « Guide d’information sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme » par le ministère de la Justice. Il se définit ainsi :

« Le soupçon est le fruit d’une réflexion du déclarant. Il résulte d’un doute qui le conduit à s’interroger sur la licéité de l’opération qui lui est demandée. Compte tenu des informations dont il dispose sur son client (identité, notoriété, profession, etc.) et des éléments, notamment financiers, concourant à cette opération, le professionnel doit procéder à une déclaration lorsqu’il ne peut exclure tout doute sur le caractère régulier ou licite de l’action ou de l’acte envisagé. »

Le principe consiste pour les professions assujetties à ces obligations, à déclarer à TRACFIN les opérations ou les sommes qui pourraient provenir de certains délits.

Réservées à l’origine au seul blanchiment du produit du trafic de stupéfiants, les déclarations de soupçon concernent dorénavant le blanchiment du produit des délits suivants : trafic de stupéfiants, fraude aux intérêts de la communauté européenne, financement du terrorisme, corruption, et activité criminelle organisée.

Avec la prochaine transposition de la troisième directive européenne, les déclarations de soupçon devraient couvrir le blanchiment du produit des crimes et des délits punis d’une peine supérieure à un an (soit la quasi-totalité du Code pénal, dont les délits fiscaux).

Des déclarations de soupçon doivent aussi être effectuées lorsque les établissements financiers ne

sont pas en mesure de connaître avec certitude l’identité du véritable donneur d’ordre d’une opération (par exemple dans le cas d’un Trust ou d’une fiducie).

Dans la pratique, la plupart des établissements de crédit déclarent les opérations « anormales » ou « suspectes », n’étant pas toujours en mesure de distinguer avec précision le délit sous-jacent.

Les moyens de déclaration

Le RSA est toujours formalisé par écrit. Il existe deux modes de transmission :

  • La télé-déclaration, à laquelle on accède via une application sécurisée ;
  • Un formulaire standard téléchargeable sur le site internet de Tracfin, qui est envoyé par courrier ou par fax aux opérateurs qui ne peuvent pas utiliser la télé-notification.

La déclaration doit contenir des informations sur l’identité du déclarant, l’identité et la connaissance du client ou du bénéficiaire effectif final, ainsi que des informations sur l’analyse des soupçons sur lesquels la déclaration est fondée.

Cela couvre aussi bien les soupçons de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme que les soupçons de fraude fiscale.

Afin de faciliter les démarches, une plateforme de déclaration a été mise en place : ERMES.

Déclarer le soupçon avec ERMES

ERMES est un dispositif de déclaration dématérialisé par Internet. Il permet aux professionnels assujettis de saisir les formulaires de déclaration et de les envoyer à TRACFIN via une interface conviviale, performante et ergonomique.

ERMES permet également d’échanger des fichiers avec TRACFIN, notamment de répondre aux demandes de droits de communication.

Ce système bénéficie d’un haut niveau de sécurité assurant la confidentialité des données envoyées.

Qui peut utiliser ERMES ?

L’inscription au service est strictement réservée aux personnes habilitées à faire la déclaration mentionnée à l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier auprès de TRACFIN, dans le cadre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

(exergue) Les particuliers ou les professionnels non assujettis ne sont pas concernés par ERMES et ne doivent pas faire de déclaration au service TRACFIN. Toute inscription par une personne n’appartenant pas à une catégorie professionnelle mentionnée par ces dispositions légales sera rejetée par le service TRACFIN. (fin de l’exergue)

Afin de vérifier l’appartenance des personnes s’inscrivant aux services ERMES à l’une des catégories professionnelles susmentionnées, des documents (ex. : Kbis) sont demandés lors de l’inscription. Ces documents sont exclusivement utilisés par TRACFIN au soutien de cette vérification.

Le système d’échanges ERMES ne prend pas en compte les spécificités liées aux échanges avec les professionnels visés au 13° de l’article L. 561-2 du CMF.

Les liens essentiels pour utiliser ERMES

ERMES est donc une plateforme dématérialisée créée par TRACFIN afin que tous les professionnels concernés par la LCB-FT puissent effectuer une déclaration de soupçon. Voici les liens essentiels qu’il vous faut avoir pour effectuer de telles démarches :

Découvrir ERMES.

Savoir utiliser ERMES pas à pas.

Les chiffres des déclarations du secteur financier et non-financier

Le cadre des professions financières représente plus de 90 % des déclarations de soupçon reçues par Tracfin et comprend :

  • Les banques et établissements de crédit au sens strict ;
  • Les établissements de paiement, fournisseurs de services  de paiement ;
  • Les entreprises d’assurance (sociétés d’assurance, mutuelles et institutions de prévoyance) ;
  • Les changeurs manuels, spécialisés dans les échanges de devises ;
  • Les autres professions financières comme par exemple les établissements de paiement, les instituts d’émission, les entreprises d’investissement, les intermédiaires d’assurance, les conseillers en investissement financier ou les sociétés de gestion de portefeuille.

Les professions non financières soumises aux mêmes obligations de déclaration comprennent :

  • Les professionnels du droit (notaires, avocats, huissiers de justice, administrateurs et syndics d’insolvabilité) ;
  • Les membres des professions comptables (auditeurs, commissaires aux comptes) ;
  • Ceux qui travaillent dans le secteur de l’immobilier ;
  • Les entreprises qui proposent des jeux d’argent ou des prévisions, les opérateurs de jeux en ligne et les casinos ;
  • Les commissaires-priseurs, les sociétés commerciales et les négociants en biens de valeur (pierres précieuses, matériaux précieux, antiquités ou œuvres d’art) ;
  • Les sociétés de domiciliation ;
  • Agents sportifs.

En 2021, TRACFIN a reçu 165 171 notifications, ce qui représente une augmentation de 43 % par rapport à l’année 2020. La tendance à la hausse du nombre de déclarations transmises au service au cours des dernières années se poursuit. Le service a reçu 160 952 rapports de transactions suspectes de la part de professionnels réglementés (+ 44 %). Cela représente plus de 94 % du nombre total de déclarations.

Le nombre de déclarations de transactions suspectes émanant du secteur financier (153 567) a considérablement augmenté en 2021 (+ 46 %). Ce secteur représente près de 93 % du flux total de déclarations. Les banques et les établissements de crédit continuent d’apporter la plus grande contribution, avec 72 465 déclarations représentant un enjeu financier total estimé à 28,2 milliards d’euros. L’activité de déclaration des professionnels non actifs dans le secteur financier (7 385 déclarations de transactions suspectes) a également augmenté (+ 19 %). Cette augmentation d’activité témoigne de la maturité du partenariat public-privé dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBC/FT).

La même année, TRACFIN a transmis 3 242 informations et renseignements (+ 7 %) à ses partenaires (autorités judiciaires, administrations, services de renseignement et cellules de renseignement financier étrangères).

Outre ces chiffres, une révision du fonctionnement et de l’organisation de TRACFIN a été achevée en 2021 afin de faire face à l’augmentation constante du flux d’informations reçues par le service et à la complexité croissante de la fraude et de la criminalité financière. L’activité de TRACFIN se caractérise par l’identification et l’analyse des circuits BC-FT, caractéristiques de ses missions opérationnelles, comme en témoigne l’étude approfondie des cas suivants :

  • le blanchiment de fonds d’origine criminelle, quelle qu’en soit la source, et notamment le blanchiment du produit de virements frauduleux (FOVI), la détection d’affaires de faux bilans et l’aide au démantèlement de réseaux de distribution de pédopornographie ;
  • les attaques contre les finances publiques sous forme de fraude fiscale, de fraude à la sécurité sociale et de fraude douanière, mais aussi l’utilisation abusive des aides publiques et des régimes fiscaux à des fins frauduleuses. En 2021, le volume financier prévisionnel des informations transmises aux services de lutte contre la fraude devrait atteindre 853 millions d’euros par rapport à 2020 ;
  • la prévention du terrorisme et de la criminalité organisée, ainsi que la protection de nos intérêts économiques. Grâce aux capteurs financiers et aux techniques de renseignement auxquels il a accès, TRACFIN apporte une expertise spécifique aux services partenaires avec lesquels il collabore dans le cadre de la coordination du coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme ;
  • l’anticipation des risques de « crypto-blanchiment ». En 2021, l’attention du service en matière de crypto-actifs s’est notamment concentrée sur la surveillance des flux financiers résultant d’attaques informatiques par rançongiciels.

Sur la base de cette expertise reconnue, TRACFIN a contribué activement à l’évaluation du système français de LBC/FT par le GAFI, qui a conduit à une évaluation positive du système français. Le rôle central de TRACFIN et la valeur ajoutée de ses analyses et études ont été soulignés. TRACFIN a également participé au niveau européen à la négociation des textes visant à renforcer les règles de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ce travail a notamment permis de soutenir un alignement des États membres sur la réglementation française en matière de transparence des transactions de crypto-actifs.

En tant que service de renseignement du premier cercle et coordinateur de la task force Russie mise en place en mars 2022 par le ministre de l’Économie et des Finances, TRACFIN a contribué aux actions d’obstruction administrative et judiciaire et aux sanctions liées à l’invasion russe en Ukraine. En 2022, TRACFIN poursuivra sa mission de service public au cœur des enjeux stratégiques des années à venir.

La sécurité des déclarations

Confidentialité des déclarations

Le Code monétaire et financier fait spécifiquement référence à la confidentialité du rapport.

Il leur est interdit de divulguer des informations sur l’existence d’un rapport dans Tracfin et ses implications à un client ou à toute autre personne (sauf quelques rares exceptions, comme l’information de l’ACPR ou des organismes du même groupe financier).

Protection des déclarants

En contrepartie des obligations qui leur sont imposées, les professionnels bénéficient d’un régime de protection qui les met à l’abri d’une éventuelle responsabilité.

Dès lors que la déclaration de soupçon a été faite de bonne foi, le déclarant ne peut être tenu pour responsable de « violation du secret professionnel » ou de « dénonciation diffamatoire » par le client qui a eu connaissance de la déclaration le concernant.

Une protection similaire est accordée au déclarant en vertu de la même exigence de bonne foi en matière de responsabilité civile et de sanctions disciplinaires. Ainsi, en cas de préjudice subi par un client à la suite d’une déclaration de soupçon, l’État prend en charge le préjudice subi par le client si un lien de causalité direct peut être prouvé.

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